Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par ma grand’mère, dont le costume et la coiffure étaient un spectacle inouï pour moi. J’avais dû être élevée jusque-là dans la pauvreté, car le luxe relatif dont je me voyais entourée me causait une sorte d’éblouissement mêlé de frayeur.

Il paraît qu’on était fort inquiet de ma maussaderie, et qu’elle dura plus longtemps qu’on ne devait l’attendre d’un enfant de mon âge. Il paraît aussi que la transition entre ce caractère farouche et une humeur plus traitable fut assez lente. Enfin un beau jour, après m’avoir chérie quand même avec beaucoup de patience et de bonté, on me trouva charmante. Je ne saurais dire quel âge j’avais atteint au juste ; mais j’avais absolument oublié ma langue étrangère, ma mère inconnue et le fantastique pays de ma première enfance.

Pourtant certaines réminiscences fugitives traversaient encore mon faible cerveau, et celles-ci, je me les rappelle. Un jour, on me conduisit au bord de la mer, que l’on voyait en plein de chez nous, mais qui est à plus de cinq lieues au bas de notre vallée. Je l’avais toujours regardée de loin avec indifférence ; mais, quand je fus sur le rivage et que je vis de grosses vagues briser sur les galets, — c’était un jour de houle, — je fus prise d’une joie insensée. Bien loin d’avoir peur des lames bouillonnantes, je voulais courir après, et je