Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/269

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sommeil, ma tristesse se dissipa. Je fis des projets de bonheur pour les autres. Je gardais Jennie près de moi et je lui faisais épouser Frumence, qui devenait le précepteur de mes enfants. Marius rendait pleine justice à ces bons amis. Je ne serais jamais séparée d’eux. Je n’aurais jamais d’autre domicile que celui de ma chère grand’mère. Je ne serais jamais séparée d’elle non plus, vivante ou morte. Je conserverais religieusement les choses créées et arrangées par elle ; je vivrais dans la religion des souvenirs.

Marius tint sa promesse : il ne me fit pas la cour ; mais mon air grave et décidé lui donna confiance. Il fut plus aimable qu’il ne s’était jamais donné la peine de l’être. C’était une déférence soutenue, des attentions constantes, une obligeance fraternelle sans aucune affectation et qui n’avait rien de prémédité. Il semblait subir, sans le savoir, le charme d’un sentiment plus délicat que nos habitudes de camaraderie. Il était parfait pour ma grand’mère, qui le reprenait en amitié et recommençait à le gâter. J’y aidais de mon mieux. Je trouvais fort doux de pouvoir, moi aussi, gâter quelqu’un, et j’abandonnais mon cœur à une amitié qui me paraissait devoir remplacer l’amour avec avantage.

Je ne veux être ni ingrate ni injuste envers