Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/270

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Marius. Il fut, je le crois, de très-bonne foi, en ce sens que, voulant tenir de moi son bonheur, c’est-à-dire l’aisance, les petits soins et la sécurité, il était bien décidé à m’en récompenser par de la douceur, des égards et les mille petites condescendances de la vie intime. Il n’eût pas fallu, il ne fallait rien lui demander en dehors de sa nature, et ne pas chercher à lui faire comprendre ce qui dépassait son horizon. Avec une femme sans imagination et sans vive sensibilité, il eût été le modèle des époux. Je m’efforçais de devenir semblable à lui et de changer mes instincts : il pouvait bien s’y tromper et me promettre avec sincérité de me rendre heureuse. D’un dimanche à l’autre, notre mutuelle confiance faisait insensiblement du progrès. Il obtint, à l’automne de 1824, un congé d’un mois qui nous lia tout à fait. Il aimait la chasse, et, comme il tenait à garder son indépendance, il affecta d’abord d’y aller tous les jours, pour voir si j’en serais piquée. Je ne le fus que de voir qu’il me soumettait à une épreuve, et je n’en fis rien paraître. Il m’en tint compte et n’y retourna plus. Il passa tout son temps près de moi, feuilletant mes livres, les critiquant un peu à tort et à travers et paraissant s’y intéresser quand même, me conseillant dans les soins du ménage comme un homme qui s’entend à tout simplifier,