Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/33

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notion des dates historiques. Étaient-ce les loups, les voleurs, ou la malédiction de quelque sorcière ? Ma cervelle travaillait si bien que la peur me prit et que mes yeux cherchaient sous le petit porche béant de l’église l’apparition de quelque monstre. Les grandes herbes, les guirlandes noires de smilax qui pendaient autour de l’arcade ébréchée me faisaient tressaillir quand le vent les agitait.

La messe heureusement ne fut pas longue : le curé nous emmena chez lui, et je fus désappointée en même temps que rassurée quand il m’apprit que, depuis le temps des Sarrasins, le village n’avait été ni pris, ni pillé, ni incendié, ni massacré, ni mangé par les loups. Il s’était dépeuplé tout naturellement. Le pays devenant de plus en plus improductif et les communications difficiles, la jeunesse avait été vivre au bord de la mer, où il y a, disait le curé en soupirant, de l’ouvrage pour tout le monde. Les vieux étaient peu à peu morts de leur belle mort. Le peu de terres cultivables possédées par les absents étaient affermées au cinquième habitant, un honnête paysan veuf, qui, avec le maire, le curé, Frumence et le garde champêtre, complétait désormais le chiffre de la population. Ce village n’est pas le seul du pays qui ait été ainsi déserté. Il y a même de vieilles villes perchées sur les hauteurs qui sont descendues peu