Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/38

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et on ne voulut pas le laisser partir à jeun. Il se fit beaucoup prier ; enfin il céda et se montra aussi sobre que son oncle l’était peu.

Il était réservé sans être timide, et les prévenances de Denise paraissaient l’importuner. Quand nous fûmes seules au dessert avec lui, ma grand’mère et moi, il devint un peu moins concis dans ses réponses. Ma grand’mère le questionnait avec tant de douceur et de bonté, qu’il se résolut enfin à la renseigner sur son compte.

— Vous me faites beaucoup d’honneur, lui dit-il, en m’appelant M. Costel. Je ne suis ni le neveu ni le parent de votre excellent curé. Je suis un enfant trouvé, oui, trouvé, à la lettre, par lui-même, à la porte de son presbytère. Il m’a baptisé et mis en nourrice ; il m’a élevé ; il m’appelle son neveu par adoption, et il veut que je porte son nom, disant que c’est la seule chose qu’il puisse me laisser en ce monde.

— Voilà, dit ma grand’mère, une belle action que ce digne curé m’a toujours cachée.

— Elle est d’autant plus belle, reprit Frumence, qu’il l’a payée bien cher.

Là-dessus, comme il entrait dans des détails que je ne devais pas comprendre, ma grand’mère me demanda d’aller lui cueillir quelques grosses fraises que Denise avait oublié de lui servir, et, pendant