Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/44

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gué, mais qu’il était trop discret pour se présenter au château sans être invité.

— Il faut l’envoyer chercher, s’écria ma grand’mère. Je vais lui dépêcher Michel.

Elle ajouta en me regardant avec intention :

— Il a été excellent pour ma petite-fille, et Lucienne n’est pas ingrate.

Je compris le reproche, et, par orgueil plus que par bonté, je demandai la permission d’aller porter avec Michel l’invitation de ma grand’mère à M. Frumence.

— Oui, ma fille, c’est bien vu, dit ma grand’mère en m’embrassant. Allez. Nous l’attendrons pour nous mettre à table. M. le curé prendra un à-compte, car il doit avoir grand’faim. Je partis avec le domestique. Nous trouvâmes à cinq cents pas de là M. Frumence occupé à pêcher à la ligne, avec un livre sur ses genoux. Il avait ôté son habit, et il avait une chemise blanche toute en guenilles. Pourtant il me dégoûtait moins ainsi qu’avec son collet crasseux, et je fis ma commission avec assez de grâce. Il parut d’abord contrarié de se déranger ; mais, sachant qu’on l’attendait, il remit à Michel les petits poissons qu’il avait pris, et m’offrit la main pour remonter au château. Cette main avec laquelle il venait de toucher le poisson ne me souriait pas. Je lui répondis