Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/43

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ment. Ce garçon vous a sauvé la vie ce matin, et vous ne pensez pas qu’il expose la sienne ce soir pour s’en retourner.

— Mais pourquoi l’expose-t-il, grand’mère ? Il pouvait bien rester jusqu’à demain.

— Mais son oncle se serait tourmenté et chagriné toute la nuit, et M. Frumence, vous le voyez bien, aime son oncle plus que sa vie.

Je sentais bien que ma grand’mère me donnait une leçon. Elle ne m’en donnait jamais qu’indirectement, et je les comprenais ; mais Denise me traitait comme une idole, et, gâtée par l’une, j’étais un peu disposée à résister à l’autre. Cela me mettait peut-être sur la pente de l’ingratitude en dépit de mes instincts qui n’étaient pas mauvais. Il est probable aussi que j’avais souffert trop jeune, et qu’il m’était resté une certaine irritation dont je n’aurais pu rendre compte.

Le dimanche suivant, l’abbé Costel reparut, et ma grand’mère lui reprocha de n’avoir pas amené son neveu.

— Il vous servirait la messe beaucoup mieux que mon jardinier, disait-elle, et nous aurions eu du plaisir à le voir. Nous l’aimons beaucoup. Le curé répliqua que son neveu n’était pas loin, parce que, le voyant boiter encore un peu, ce brave enfant avait voulu l’accompagner jusqu’au