Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/48

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argumenter contre eux ; mais elle sentait que ses tendances au merveilleux n’étaient pas encouragées par le curé et donnaient envie de rire à Frumence.

Ma grand’mère avait pour Denise une grande amitié et beaucoup de déférence extérieure ; mais il s’était fait entre elles une scission de tendances religieuses. Si une même foi les unissait au pied du même autel, une application différente de leur religion les poussait en sens opposé ; ma bonne maman ne voulait pas qu’en dehors des pratiques du culte on fît intervenir le clergé à tout propos dans les relations sociales. Denise, de plus en plus mystique, n’admettait pas que l’on pût être honnête et utile en ce monde, si on ne travaillait pas avant tout pour l’Église. Elle appelait travailler pour l’Église consacrer tout son temps à décorer des chapelles et à pomponner des madones ; elle se prenait de passion pour ces images et devenait idolâtre à son insu. Ma grand’mère craignit d’abord qu’elle ne me troublât l’esprit, ensuite elle craignit qu’à force de dédain pour les minuties de cette pauvre fille je ne devinsse incrédule ; mais elle se tranquillisa en voyant que je n’écoutais qu’elle et me montrais disposée à la chérir exclusivement. Aussitôt que ma mère adoptive inconnue fut oubliée, c’est ma grand’mère que j’aimai sans partage, et je fus toujours docile avec elle.