Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/74

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procureur impérial, qui était un vieux ami de la famille, homme excellent, très-minutieux, et qui n’avait pas une pensée, pas une préoccupation en dehors de ses fonctions. Il avait une femme couperosée qu’il amenait quelquefois, et qui passait tout son temps à nous plaindre de l’isolement où nous vivions et à nous presser d’habiter la ville, dont elle nous disait en même temps pis que pendre. Un gentilhomme ruiné, qui s’était un peu refait dans le commerce et qui se disait notre cousin, venait aussi quelquefois. Il s’appelait M. de Malaval, et portait encore la queue et les ailes de pigeon. Cet homme, très-honnête en affaires, très-sincère de cœur, très-sûr dans les relations, a toujours eu un travers inexplicable que l’on reproche à tous les Méridionaux, et dont il était le type le plus complet. Il ne pouvait dire trois paroles sans trahir la vérité le plus innocemment du monde. Soit qu’il parlât sans réfléchir et ne voulût jamais rester court, soit que les faits se présentassent dénaturés et comme renversés à sa première appréciation, ses répliques étaient autant de mensonges dont il fallait prendre le contre-pied. Si on lui demandait la distance d’un lieu à un autre, il prononçait d’un ton péremptoire un chiffre imaginaire qui se trouvait toujours du double en plus ou en moins dans la réalité. Si on lui parlait de la hau-