Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/94

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baisers avec des paroles incohérentes et des regards dont l’éclat me fit peur. Tout à coup, comme je voulais me dégager avec l’aide de ma grand’mère de ces caresses exagérées, je sentis qu’elle me soulevait avec une force extraordinaire et qu’elle voulait me lancer dans le précipice que côtoyait de près la voiture. Je fis un cri d’effroi, et je me cramponnai au cou de Frumence, qui était le dos tourné devant moi, mais qui, depuis un instant, inquiet de l’agitation de Denise, se tenait sur ses gardes.

Il me saisit dans ses bras et m’enleva à côté de lui, fit arrêter les chevaux et dit à ma grand’mère avec beaucoup de calme et de présence d’esprit :

— Il y a un cheval qui boîte ; je crois, madame, que nous devrions retourner au moulin pour le faire ferrer.

Ma grand’mère comprit. Marius ne comprit pas. Nous revînmes au manoir, où Denise, prise de fièvre et de délire, fut mise au lit et soignée. Au lieu de nous conduire à Toulon, la voiture alla chercher le docteur, qui avait une bastide non loin du moulin de madame Capeforte. Il trouva la malade calmée : mais il eut avec ma grand’mère et Frumence une conférence à la suite de laquelle il fut décidé que la pauvre Denise ne pouvait plus rester avec nous. On ne voulait pas la renvoyer à