Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/18

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me proposa d’essayer du commerce, pour lequel il croyait avoir des idées. Comme j’aimais mon mari, que mon père était encore assez jeune pour penser à se remarier, et qu’il en était même déjà question, ce qui me causait un peu de peine, je fis sans trop de regret la volonté d’Anseaume. Il acheta des marchandises, et pendant une année environ nous avons vendu dans les villages de la côte de Bretagne avec d’assez bons profits. Comme je dois dire toute la vérité sur Anseaume, je conviendrai ici qu’il n’aimait pas beaucoup le travail et qu’il me laissait toute la peine ; mais il n’était ni méchant ni mauvais sujet, et je n’ai jamais eu un mot avec lui. C’était un homme qui avait trop d’idées et pas assez d’éducation pour bien connaître ce qu’il voulait et pour se contenter de ce qu’il gagnait. Il voulait toujours gagner plus, non pas en trompant le monde, je ne l’aurais pas souffert, mais en inventant d’autres manières de gagner. Nous changions tous les jours de commerce, et, comme j’avais de l’ordre et de l’activité, tout nous réussissait assez bien ; mais l’ambition lui venait toujours. Ce n’était pas tant pour l’argent d’abord, c’était comme pour contenter son imagination, qui ne s’arrêtait pas. Il disait qu’avec son esprit et mon courage il était sûr de devenir très-riche et de faire parler de lui.