Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/326

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un homme accompli à toutes les heures de la vie. Pourquoi non ? C’est le prix de la lutte qui enflamme la volonté et décuple l’énergie morale. Je suis dans la force de mon âge intellectuel, et, mûri par une trop précoce expérience, je n’ai peut-être jamais été jeune. Voici le moment de retremper ce cœur inquiet, toujours avide et jamais rassasié. Voici le moment de faire fleurir ma vie comme ces arbres dont la sève a dormi au printemps et s’éveille aux derniers jours de l’été. Les dernières roses de l’année, me disiez-vous une fois, je m’en souviens, sont les plus belles et les plus parfumées. Eh bien, mon amour portera ces roses et répandra ses parfums. Ma vie de travail, de talent, de succès, toutes mes vaines agitations, toute ma vaine gloire s’effacent devant la vie du cœur qui m’appelle. C’est pour vous seule, Lucienne, que je veux désormais exister, et le mariage, au lieu de m’apparaître comme la fin de mon activité, se révèle à moi comme le commencement de ma destinée véritable. Ô bonheur ! rêve de la jeunesse !… non, tu n’es pas un rêve ! L’homme mûr qui te porte encore immense dans son sein a le pouvoir immense de te posséder !

Allons, allons ! me voilà tranquille ! — Tranquille ? Non, je suis ivre, mais ivre de foi, de force et de lumière ! Insensé, tu te croyais jaloux du