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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/98

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et je lui en voulus un peu quand je m’en avisai. M. Costel demanda enfin à rester seul avec Jennie et moi.

— Mes chères amies, nous dit ce vaillant vieillard, ne croyez pas que je retienne Frumence. Je sais qu’il a deux projets entre lesquels il hésite : aller en Amérique pour servir mademoiselle de Valangis, ou rester près d’elle, pour la servir encore, autorisé du titre d’époux de Jennie. Je n’ai pas à résoudre le meilleur parti à prendre, c’est affaire à vous trois d’y songer et de choisir ; mais je sais qu’on s’effraye de me laisser seul, et voilà ce que je ne veux pas. Je ne suis pas malade, mon indisposition n’est rien. Je suis encore jeune et fort. J’ai peut-être bien été quelquefois égoïste dans les petites choses, mais il s’agit d’une grande chose aujourd’hui, et je ne suis pas un enfant. Que Frumence me quitte donc dès aujourd’hui, si dès aujourd’hui il peut vous être utile. Je vous promets de ne pas m’en affecter, et, si vous vous en faisiez scrupule, je croirais que vous ne me jugez pas digne d’être votre ami.

En parlant ainsi de son énergie et de sa santé, le pauvre abbé était si jaune, si maigre, si osseux, et avait la voix si éteinte, que je me jurai bien de ne pas lui enlever Frumence ; mais je dus, pour tranquilliser sa généreuse amitié, lui promettre