Page:Sand - Constance Verrier.djvu/160

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dedans ; j’avais quitté Paris toute troublée de notre conversation. Vous étiez toujours devant mes yeux avec votre beau regard attendri, votre parole généreuse, votre confiance en Dieu et aussi en moi, pauvre esprit égaré ! La duchesse, que je voyais de temps en temps à Londres, me jetait bien de l’eau froide dans le dos avec son rire moqueur et ses airs de cruelle bonhomie, mais je pensais à vous bien vite, et je me disais : Qu’importe, si Constance prie pour moi et espère à ma place !

« Enfin, j’ai vu ce jeune homme, et j’ai senti fondre, en un instant, toutes les glaces de mon cœur. Cela a été si étrange, si soudain… Et tenez, le jour où il m’est apparu, j’avais justement parlé de vous avec la duchesse. Elle me questionnait en pure perte, je vous le jure ; mais, d’après les mots que vous lui aviez dits, elle tâchait de se faire une idée de l’heureux mortel à qui vous êtes fiancée. Elle plaisantait comme toujours ; moi, je ne l’écoutais guère, et mon esprit était avec vous. C’est cela qui m’a porté bonheur.

« Mais ne croyez pas que cet amour subit et irrésistible, qui ressemble à une fascination, se soit présenté comme un caprice. Non ! je ne m’ennuyais pas, je travaillais beaucoup ; j’avais du succès. J’étais occupée de mon art, j’avais des pensées sérieuses, et même j’avais résolu de ne pas songer de longtemps à aimer. Je voulais faire comme vous m’aviez dit, me guérir d’abord de mon scepticisme, et je ne me croyais pas assez guérie. Si l’on m’eût dit le matin :