je voudrais bien cesser d’être moi ! Je ne m’aime pas ; je m’ennuie, je m’irrite, je me connais trop. J’ai besoin d’admirer, de vénérer, de prier quelqu’un, et je ne m’accorde à moi-même qu’un peu d’estime et beaucoup de pitié.
— La singulière créature ! dit la duchesse en s’adressant à Constance. On dirait qu’elle est humble pour tout de bon ; et, cependant, elle n’est pas toujours modeste, je le sais !
— Elle a l’orgueil de l’artiste, c’est son droit, répondit mademoiselle Verrier en souriant à la cantatrice, mais elle a l’humilité chrétienne très-avant dans le cœur, je vous en réponds.
— Vous croyez donc la bien connaître ? reprit la duchesse. Eh bien ! vous seriez plus avancée que moi, qui ne la comprends pas du tout.
— Et moi, est-ce que vous me comprenez ? dit Constance avec ingénuité.
— Vous ! ma chère ! s’écria la duchesse, oh ! très-bien ! c’est si différent !
— Définissez-moi en deux mots : je serais bien aise de me connaître.
— Sage pour cause de froideur : voilà !
— C’est possible, répondit mademoiselle Verrier avec une modeste insouciance ; mais le mot lui sembla risqué, car elle rougit.
— Entendons-nous, reprit madame d’Évereux, qui s’en aperçut. Je ne soulève jamais les voiles de la pudeur ; j’en ai moi-même, malgré mes trente ans