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consuelo.

« Tu me crains donc à présent, et, au lieu de m’embrasser, tu veux me fuir ! lui dit-il avec douleur. Ah ! que je suis cruellement puni de ma faute ! Pardonne-moi, Consuelo, et vois si tu dois te méfier de ton ami. Il y a une grande heure que je suis là à te regarder dormir. Oh ! pardonne-moi, ma sœur ; c’est la première et la dernière fois de ta vie que tu auras eu à blâmer et à repousser ton frère. Jamais plus je n’offenserai la sainteté de notre amour par des emportements coupables. Quitte-moi, chasse-moi, si je manque à mon serment. Tiens, ici, sur ta couche virginale, sur le lit de mort de ta pauvre mère, je te jure de te respecter comme je t’ai respectée jusqu’à ce jour, et de ne pas te demander un seul baiser, si tu l’exiges, tant que le prêtre ne nous aura pas bénis. Es-tu contente de moi, chère et sainte Consuelo ? ».

Consuelo ne répondit qu’en pressant la tête blonde du Vénitien sur son cœur et en l’arrosant de larmes. Cette effusion la soulagea ; et bientôt après, retombant sur son dur petit oreiller : « Je t’avoue, lui dit-elle, que je suis anéantie ; car je n’ai pu fermer l’œil de toute la nuit. Nous nous étions si mal quittés !

— Dors, Consuelo, dors, mon cher ange, répondit Anzoleto ; souviens-toi de cette nuit où tu m’as permis de dormir sur ton lit, pendant que tu priais et que tu travaillais à cette petite table. C’est à mon tour de garder et de protéger ton repos. Dors encore, mon enfant ; je vais feuilleter ta musique et la lire tout bas, pendant que tu sommeilleras une heure ou deux. Personne ne s’occupera de nous (si on s’en occupe aujourd’hui) avant le soir. Dors donc, et prouve-moi par cette confiance que tu me pardonnes et que tu crois en moi. »

Consuelo lui répondit par un sourire de béatitude. Il l’embrassa au front, et s’installa devant la petite table,