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consuelo.

pas vous soucier de ce qui m’occupait avant ce moment terrible. Quant à ce qui s’est passé depuis, ne pouvez-vous le deviner, et avons-nous besoin d’y songer désormais ?

— Je ne me paie pas de demi-mots et de réticences. Tu aimes toujours la zingarella, tu l’épouses ?

— Et si je l’aimais, comment se fait-il que je ne l’aie pas encore épousée ?

— Parce que le comte s’y opposait peut-être. À présent, chacun sait qu’il le désire. On dit même qu’il a sujet d’en être impatient, et la petite encore plus. »

Le rouge monta à la figure d’Anzoleto en entendant ces outrages prodigués à l’être qu’il vénérait en lui-même au-dessus de tout.

— Ah ! tu es outré de mes suppositions, répondit la Corilla, c’est bon ; voilà ce que je voulais savoir. Tu l’aimes ; et quand l’épouses-tu ?

— Je ne l’épouse point du tout.

— Alors vous partagez ? Tu es bien avant dans la faveur de monsieur le comte !

— Pour l’amour du ciel, madame, ne parlons ni du comte, ni de personne autre que de vous et de moi.

— Eh bien, soit, dit la Corilla. Aussi bien à cette heure, mon ex-amant et ta future épouse… »

Anzoleto était indigné. Il se leva pour sortir. Mais qu’allait-il faire ? allumer de plus en plus la haine de cette femme, qu’il était venu calmer. Il resta indécis, horriblement humilié et malheureux du rôle qu’il s’était imposé.

La Corilla brûlait d’envie de le rendre infidèle ; non qu’elle l’aimât, mais parce que c’était une manière de se venger de cette Consuelo qu’elle n’était pas certaine d’avoir outragée, avec justice.

« Tu vois bien, lui dit-elle en l’enchaînant au seuil de