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fond de l’âme. Le grand et sauvage artiste la reconduisit jusque chez elle, l’endoctrinant toujours, sans pouvoir la convaincre. Il lui fit du bien cependant, en ouvrant à sa pensée un vaste champ de méditations profondes et sérieuses, au milieu desquelles le crime d’Anzoleto vint s’abîmer comme un fait particulier servant d’introduction douloureuse, mais solennelle, à des rêveries infinies. Elle passa de longues heures à prier, à pleurer et à réfléchir ; et puis elle s’endormit avec la conscience de sa vertu, et l’espérance en un Dieu initiateur et secourable.

Le lendemain Porpora vint lui annoncer qu’il y aurait répétition d’Ipermnestre pour Stefanini, qui prenait le rôle d’Anzoleto. Ce dernier était malade, gardait le lit, et se plaignait d’une extinction de voix. Le premier mouvement de Consuelo fut de courir chez lui pour le soigner.

« Épargne-toi cette peine, lui dit le professeur ; il se porte à merveille ; le médecin du théâtre l’a constaté, et il ira ce soir chez la Corilla. Mais le comte Zustiniani, qui comprend fort bien ce que cela veut dire, et qui consent sans beaucoup de regrets à ce qu’il suspende ses débuts, a défendu au médecin de démasquer la feinte, et a prié le bon Stefanini de rentrer au théâtre pour quelques jours.

— Mais, mon Dieu, que compte donc faire Anzoleto ? Est-il découragé au point de quitter le théâtre ?

— Oui, le théâtre de San-Samuel. Il part dans un mois pour la France avec la Corilla. Cela t’étonne ? Il fuit l’ombre que tu projettes sur lui. Il remet son sort dans les mains d’une femme moins redoutable, et qu’il trahira quand il n’aura plus besoin d’elle. »

La Consuelo pâlit et mit les deux mains sur son cœur prêt à se briser. Peut-être s’était-elle flattée de ramener Anzoleto, en lui reprochant doucement sa faute, et en