dormir. Je tâcherai d’être pour vous un calmant et un somnifère.
— Vous me rappelez, dit Amélie, que j’ai le reste d’une histoire à vous raconter. Je commence, afin de ne pas vous faire coucher trop tard :
« Quelques jours après la mystérieuse absence qu’il avait faite (toujours persuadé que cette semaine de disparition n’avait duré que sept heures), Albert commença seulement à remarquer que l’abbé n’était plus au château, et il demanda où on l’avait envoyé.
« — Sa présence auprès de vous n’étant plus nécessaire, lui répondit-on, il est retourné à ses affaires. Ne vous en étiez-vous pas encore aperçu ?
« — Je m’en apercevais, répondit Albert : quelque chose manquait à ma souffrance ; mais je ne me rendais pas compte de ce que ce pouvait être.
« — Vous souffrez donc beaucoup, Albert ? lui demanda la chanoinesse.
« — Beaucoup, répondit-il du ton d’un homme à qui l’on demande s’il a bien dormi.
« — Et l’abbé vous était donc bien désagréable ? lui demanda le comte Christian.
« — Beaucoup, répondit Albert du même ton.
« — Et pourquoi donc, mon fils, ne l’avez-vous pas dit plus tôt ? Comment avez-vous supporté pendant si longtemps la présence d’un homme qui vous était antipathique, sans me faire part de votre déplaisir ? Doutez-vous, mon cher enfant, que je n’eusse fait cesser au plus vite votre souffrance ?
« — C’était un bien faible accessoire à ma douleur, répondit Albert avec une effrayante tranquillité ; et vos bontés, dont je ne doute pas, mon père, n’eussent pu que la soulager légèrement en me donnant un autre surveillant.