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consuelo.

que la musique fasse réellement du mal à mon cher Albert. D’après ce que raconte Amélie de la scène de ce matin, je vois au contraire qu’il a éprouvé une joie trop vive ; et peut-être sa souffrance n’est venue que de la suspension, trop prompte à son gré, de vos admirables mélodies. Que vous disait-il en espagnol ? C’est une langue qu’il parle parfaitement bien, m’a-t-on dit, ainsi que beaucoup d’autres qu’il a apprises dans ses voyages avec une facilité surprenante. Quand on lui demande comment il a pu retenir tant de langages différents, il répond qu’il les savait avant d’être né, et qu’il ne fait que se les rappeler, l’une pour l’avoir parlée il y a douze cents ans, l’autre lorsqu’il était aux croisades ; que sais-je ? hélas ! Puisqu’on ne doit rien vous cacher, chère signora, vous entendrez d’étranges récits de ce qu’il appelle ses existences antérieures. Mais traduisez-moi dans notre allemand, que déjà vous parlez très-bien, le sens des paroles qu’il vous a dites dans votre langue, qu’aucun de nous ici ne connaît. »

Consuelo éprouva en cet instant un embarras dont elle-même ne put se rendre compte. Cependant elle prit le parti de dire presque toute la vérité, en expliquant que le comte Albert l’avait suppliée de continuer, de ne pas s’éloigner, et en lui disant qu’elle lui donnait beaucoup de consolation.

« Consolation ! s’écria la perspicace Amélie. S’est-il servi de ce mot ? Vous savez, ma tante, combien il est significatif dans la bouche de mon cousin.

— En effet, c’est un mot qu’il a bien souvent sur les lèvres, répondit Wenceslawa, et qui a pour lui un sens prophétique ; mais je ne vois rien en cette rencontre que de fort naturel dans l’emploi d’un pareil mot.

— Mais quel est donc celui qu’il vous a répété tant de fois, chère Porporina ? reprit Amélie avec obstination. Il