mais rapetassée en mille endroits avec des morceaux de toutes couleurs, une chaise de paille, une petite table, une guitare fort ancienne, et un Christ de filigrane, uniques richesses que sa mère lui avait laissées ; une petite épinette, et un gros tas de vieille musique rongée des vers, que le professeur Porpora avait la générosité de lui prêter : tel était l’ameublement de la jeune artiste, fille d’une pauvre bohémienne, élève d’un grand maître et amoureuse d’un bel aventurier.
Comme il n’y avait qu’une chaise, et que la table était couverte de musique, il n’y avait qu’un siége pour Anzoleto ; c’était le lit, et il s’en accommoda sans façon. À peine se fut-il assis sur le bord, que la fatigue s’emparant de lui, il laissa tomber sa tête sur un gros coussin de laine qui servait d’oreiller, en disant :
« Oh ! ma chère petite femme, je donnerais en cet instant tout ce qui me reste d’années à vivre pour une heure de bon sommeil, et tous les trésors de l’univers pour un bout de cette couverture sur mes jambes. Je n’ai jamais eu si froid que dans ces maudits habits, et le malaise de cette insomnie me donne le frisson de la fièvre. »
Consuelo hésita un instant. Orpheline et seule au monde à dix-huit ans, elle ne devait compte qu’à Dieu de ses actions. Croyant à la promesse d’Anzoleto comme à la parole de l’Évangile, elle ne se croyait menacée ni de son dégoût ni de son abandon en cédant à tous ses désirs. Mais un sentiment de pudeur qu’Anzoleto n’avait jamais ni combattu ni altéré en elle, lui fit trouver sa demande un peu grossière. Elle s’approcha de lui, et lui toucha la main. Cette main était bien froide en effet, et Anzoleto prenant celle de Consuelo la porta à son front, qui était brûlant.
« Tu es malade ! lui dit-elle, saisie d’une sollicitude qui