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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/100

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consuelo.

le lui retirant pour le ramener sur sa poitrine, s’étonna de le trouver chaud et humide, et, se retournant avec plus de vivacité qu’elle n’en mettait dans ses mouvements depuis l’accablement de sa maladie, elle surprit une émotion extraordinaire sur le visage de son ami. Ses joues étaient animées, un feu dévorant couvait dans ses yeux, et sa poitrine était soulevée par de violentes palpitations… Albert maîtrisa rapidement son trouble : mais il avait eu le temps de voir l’effroi se peindre dans les traits de Consuelo. Cette observation l’affligea profondément. Il eût mieux aimé la voir armée de dédain et de sévérité qu’assiégée d’un reste de crainte et de méfiance. Il résolut de veiller sur lui-même avec assez de soin pour que le souvenir de son délire ne vînt plus alarmer celle qui l’en avait guéri au péril et presque au prix de sa propre raison et de sa propre vie.

Il y parvint, grâce à une puissance que n’eût pas trouvée un homme placé dans une situation d’esprit plus calme. Habitué dès longtemps à concentrer l’impétuosité de ses émotions, et à faire de sa volonté un usage d’autant plus énergique qu’il lui était plus souvent disputé par les mystérieuses atteintes de son mal, il exerçait sur lui-même un empire dont on ne lui tenait pas assez de compte. On ignorait la fréquence et la force des accès qu’il avait su dompter chaque jour, jusqu’au moment où, dominé par la violence du désespoir et de l’égarement, il fuyait vers sa caverne inconnue, vainqueur encore dans sa défaite, puisqu’il conservait assez de respect envers lui-même pour dérober à tous les yeux le spectacle de sa chute. Albert était un fou de l’espèce la plus malheureuse et la plus respectable. Il connaissait sa folie, et la sentait venir jusqu’à ce qu’elle l’eût envahi complètement. Encore gardait-il, au milieu de ses accès, le vague instinct et le souvenir confus d’un monde réel, où