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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/133

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consuelo.

lui, et qui l’emporta mourante dans un endroit plus sombre et plus caché de la montagne.

LIII.

La crainte de trahir par son émotion un secret qu’elle avait jusque-là si bien caché au fond de son âme rendit à Consuelo la force de se contraindre, et de laisser croire à Albert que la situation où il l’avait surprise n’avait rien d’extraordinaire. Au moment où le jeune comte l’avait reçue dans ses bras, pâle et prête à défaillir, Anzoleto et son guide venaient de disparaître au loin dans les sapins, et Albert put s’attribuer à lui-même le danger qu’elle avait couru de tomber dans le précipice. L’idée de ce danger, qu’il avait causé sans doute en l’effrayant par son approche, venait de le troubler lui-même à tel point qu’il ne s’aperçut guère du désordre de ses réponses dans les premiers instants. Consuelo, à qui il inspirait encore parfois un certain effroi superstitieux, craignit d’abord qu’il ne devinât, par la force de ses pressentiments, une partie de ce mystère. Mais Albert, depuis que l’amour le faisait vivre de la vie des autres hommes, semblait avoir perdu les facultés en quelque sorte surnaturelles qu’il avait possédées auparavant. Elle put maîtriser bientôt son agitation, et la proposition qu’il lui fit de la conduire à son ermitage ne lui causa pas en ce moment le déplaisir qu’elle en eût ressenti quelques heures auparavant. Il lui sembla que l’âme austère et l’habitation lugubre de cet homme si sérieusement dévoué à son sort s’ouvraient devant elle comme un refuge où elle trouverait le calme et la force nécessaires pour lutter contre les souvenirs de sa passion. « C’est la Providence qui m’envoie cet ami au sein des épreuves, pensa-