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consuelo.

civiles dans la citerne du Schreckenstein, à l’époque de votre ancêtre Jean Ziska, qui en fit, dit-on, d’horribles représailles. On m’a raconté aussi qu’après avoir brûlé le village, il avait fait combler le puits. Il me semble que je vois, dans l’obscurité de cette voûte, au-dessus de ma tête, un cercle de pierres taillées qui annonce que nous sommes précisément au-dessous de l’endroit où plusieurs fois je suis venue m’asseoir, après m’être fatiguée à vous chercher en vain. Dites, comte Albert, est-ce en effet le lieu que vous avez, m’a-t-on dit, baptisé la Pierre d’Expiation ?

— Oui, c’est ici, répondit Albert, que des supplices et des violences atroces ont consacré l’asile de ma prière et le sanctuaire de ma douleur. Vous voyez d’énormes blocs suspendus au-dessus de nos têtes, et d’autres parsemés sur les bords de la source. La forte main des taborites les y lança, par l’ordre de celui qu’on appelait le redoutable aveugle ; mais ils ne servirent qu’à repousser les eaux vers les lits souterrains qu’elles tendaient à se frayer. La construction du puits fut rompue, et j’en ai fait disparaître les ruines sous les cyprès que j’y ai plantés ; il eût fallu pouvoir engloutir ici toute une montagne pour combler cette caverne. Les blocs qui s’entassèrent dans le col de la citerne y furent arrêtés par un escalier tournant, semblable à celui que vous avez eu le courage de descendre dans le puits de mon parterre, au château des Géants. Depuis, le travail d’affaissement de la montagne les a serrés et contenus chaque jour davantage. S’il s’en échappe parfois quelque parcelle, c’est seulement dans les fortes gelées des nuits d’hiver : vous n’avez donc rien à craindre maintenant de la chute de ces pierres.

— Ce n’est pas là ce qui me préoccupe, Albert, reprit Consuelo en reportant ses regards sur l’autel lugubre où