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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/158

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consuelo.

de ces cantiques anciens dont les auteurs sont ou inconnus chez nous, ou peut-être oubliés désormais en Bohême, mais dont Zdenko avait gardé la précieuse tradition, et dont le comte avait retrouvé la lettre à force d’études et de méditation. Il s’était tellement nourri l’esprit de ces compositions, barbares au premier abord, mais profondément touchantes et vraiment belles pour un goût sérieux et éclairé, qu’il se les était assimilées au point de pouvoir improviser longtemps sur l’idée de ces motifs, y mêler ses propres idées, reprendre et développer le sentiment primitif de la composition, et s’abandonner à son inspiration personnelle, sans que le caractère original, austère et frappant, de ces chants antiques fût altéré par son interprétation ingénieuse et savante. Consuelo s’était promis d’écouter et de retenir ces précieux échantillons de l’ardent génie populaire de la vieille Bohême. Mais tout esprit d’examen lui devint bientôt impossible, tant à cause de la disposition rêveuse où elle se trouvait, qu’à cause du vague répandu dans cette musique étrangère à son oreille.

Il y a une musique qu’on pourrait appeler naturelle, parce qu’elle n’est point le produit de la science et de la réflexion, mais celui d’une inspiration qui échappe à la rigueur des règles et des conventions. C’est la musique populaire : c’est celle des paysans particulièrement. Que de belles poésies naissent, vivent, et meurent chez eux, sans avoir jamais eu les honneurs d’une notation correcte, et sans avoir daigné se renfermer dans la version absolue d’un thème arrêté ! L’artiste inconnu qui improvise sa rustique ballade en gardant ses troupeaux, ou en poussant le soc de sa charrue (et il en est encore, même dans les contrées qui paraissent les moins poétiques), s’astreindra difficilement à retenir et à fixer ses fugitives idées. Il communique cette ballade aux autres musiciens,