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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/171

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consuelo.

— Et pourquoi voulez-vous imposer le fardeau de la vie humaine au fantôme d’un homme ? Le solitaire n’est que l’ombre d’un mortel, et celui qui n’est point aimé est seul partout et avec tous.

— Albert, Albert ! vous me déchirez le cœur. Venez, portez-moi dehors. Il me semble qu’à la pleine lumière du jour, je verrai enfin clair dans ma propre destinée. »

LVI.

Albert obéit ; et quand ils commencèrent à descendre de la base du Schreckenstein vers les vallons inférieurs, Consuelo sentit, en effet, ses agitations se calmer.

« Pardonnez-moi le mal que je vous ai fait, lui dit-elle en s’appuyant doucement sur son bras pour marcher ; il est bien certain pour moi maintenant que j’ai eu tout à l’heure un accès de folie dans la grotte.

— Pourquoi vous le rappeler, Consuelo ? Je ne vous en aurais jamais parlé, moi ; je sais bien que vous voudriez l’effacer de votre souvenir. Il faudra aussi que je parvienne à l’oublier !

— Mon ami, je ne veux pas l’oublier, mais vous en demander pardon. Si je vous racontais la vision étrange que j’ai eue en écoutant vos airs bohémiens, vous verriez que j’étais hors de sens quand je vous ai causé une telle surprise et une telle frayeur. Vous ne pouvez pas croire que j’aie voulu me jouer de votre raison et de votre repos… Mon Dieu ! Le ciel m’est témoin que je donnerais encore maintenant ma vie pour vous.

— Je sais que vous ne tenez point à la vie, Consuelo ! Et moi je sens que j’y tiendrais avec tant d’âpreté, si…

— Achevez donc !

— Si j’étais aimé comme j’aime !