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consuelo.

l’impatience qu’elle avait éprouvée de sortir du souterrain. Lorsqu’il tourna la clef avec effort dans la serrure rouillée, elle ne put s’empêcher de mettre le doigt sur le mot mystérieux, en regardant son hôte d’un air d’interrogation.

« Cela signifie, répondit Albert avec une sorte de calme, que l’ange méconnu, l’ami du malheureux, celui dont nous parlions tout à l’heure, Consuelo…

— Oui, Satan ; je sais cela ; et le reste ?

— Que Satan, dis-je, te pardonne !

— Et quoi pardonner ? reprit-elle en pâlissant.

— Si la douleur doit se faire pardonner, répondit le comte avec une sérénité mélancolique, j’ai une longue prière à faire. »

Ils entrèrent dans la galerie, et ne rompirent plus le silence jusqu’à la Cave du Moine. Mais lorsque la clarté du jour extérieur vint, à travers le feuillage, tomber en reflets bleuâtres sur le visage du comte, Consuelo vit que deux ruisseaux de larmes silencieuses coulaient lentement sur ses joues. Elle en fut affectée ; et cependant, lorsqu’il s’approcha d’un air craintif pour la transporter jusqu’à la sortie, elle préféra mouiller ses pieds dans cette eau saumâtre que de lui permettre de la soulever dans ses bras. Elle prit pour prétexte l’état de fatigue et d’abattement où elle le voyait, et hasardait déjà sa chaussure délicate dans la vase, lorsque Albert lui dit en éteignant son flambeau :

« Adieu donc, Consuelo ! je vois à votre aversion pour moi que je dois rentrer dans la nuit éternelle, et, comme un spectre évoqué par vous un instant, retourner à ma tombe après n’avoir réussi qu’à vous faire peur.

— Non ! votre vie m’appartient ! s’écria Consuelo en se retournant et en l’arrêtant ; vous m’avez fait le serment de ne plus rentrer sans moi dans cette caverne, et vous n’avez pas le droit de le reprendre.