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consuelo.

couchant ? Est-ce la nuit prochaine que, par une conjuration puissante, vous le ferez descendre par la cheminée ?

— Peut-être ! lui répondit Consuelo avec un peu d’humeur. C’était la première fois de sa vie qu’elle sentait son orgueil blessé. Elle avait mis à son entreprise un dévouement si pur, un entraînement si magnanime, qu’elle souffrait à l’idée d’être raillée et méprisée pour n’avoir pas réussi.

Elle fut triste toute la soirée ; et la chanoinesse, qui remarqua ce changement, ne manqua pas de l’attribuer à la crainte d’avoir laissé deviner le sentiment funeste éclos dans son cœur.

La chanoinesse se trompait étrangement. Si Consuelo avait ressenti la moindre atteinte d’un amour nouveau, elle n’eût connu ni cette foi vive, ni cette confiance sainte qui jusque-là l’avaient guidée et soutenue. Jamais peut-être elle n’avait, au contraire, éprouvé le retour amer de son ancienne passion plus fortement que dans ces circonstances où elle cherchait à s’en distraire par des actes d’héroïsme et une sorte de fanatisme d’humanité.

En rentrant le soir dans sa chambre, elle trouva sur son épinette un vieux livre doré et armorié qu’elle crut aussitôt reconnaître pour celui qu’elle avait vu prendre dans le cabinet d’Albert et emporter par Zdenko la nuit précédente. Elle l’ouvrit à l’endroit où le signet était posé : c’était le psaume de la pénitence qui commence ainsi : De profondis clamavi ad te. Et ces mots latins étaient soulignés avec une encre qui semblait fraîche, car elle avait un peu collé au verso de la page suivante. Elle feuilleta tout le volume, qui était une fameuse bible ancienne, dite de Kralic, éditée en 1579, et n’y trouva aucune autre indication, aucune note marginale, aucun billet. Mais ce simple cri parti de l’abîme, et pour