Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
consuelo.

veille par une chanson symbolique de Zdenko, cette confidence qu’il avait faite à son fou du nom de Consuelo, tout cela n’était donc chez lui que la fantaisie du moment, sans qu’une aspiration véritable et constante lui désignât une personne plus qu’une autre pour sa libératrice et sa consolation ? Ce nom même de consolation, prononcé et comme deviné par lui, était une affaire de pur hasard. Elle n’avait caché à personne qu’elle fût espagnole, et que sa langue maternelle lui fût demeurée plus familière encore que l’italien. Albert, enthousiasmé par son chant, et ne connaissant pas d’expression plus énergique que celle qui exprimait l’idée dont son âme était avide et son imagination remplie, la lui avait adressée dans une langue qu’il connaissait parfaitement et que personne autour de lui ne pouvait entendre, excepté elle.

Consuelo ne s’était jamais fait d’illusion extraordinaire à cet égard. Cependant une rencontre si délicate et si ingénieuse du hasard lui avait semblé avoir quelque chose de providentiel, et sa propre imagination s’en était emparée sans trop d’examen.

Maintenant tout était remis en question. Albert avait-il oublié, dans une nouvelle phase de son exaltation, l’exaltation qu’il avait éprouvée pour elle ? Était-elle désormais inutile à son soulagement, impuissante pour son salut ? ou bien Zdenko, qui lui avait paru si intelligent et si empressé jusque-là à seconder les desseins d’Albert, était-il lui-même plus tristement et plus sérieusement fou que Consuelo n’avait voulu le supposer ? Exécutait-il les ordres de son ami, ou bien les oubliait-il complètement, en interdisant avec fureur à la jeune fille l’approche du Schreckenstein et le soupçon de la vérité ?

« Eh bien, lui dit Amélie tout bas lorsqu’elle fut de retour, avez-vous vu passer Albert dans les nuages du