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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/183

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consuelo.

amie ; soyez sûre qu’aujourd’hui même elle changera de manières et de langage.

— Mon frère ? dit Consuelo stupéfaite de la nouvelle qu’on venait de lui annoncer, et sans entendre ce que lui disait le jeune comte.

— Je ne savais pas que vous eussiez un frère, reprit Albert, qui avait été plus frappé de l’aigreur de sa tante que de cet incident. Sans doute, c’est un bonheur pour vous de le revoir, chère Consuelo, et je me réjouis…

— Ne vous réjouissez pas, monsieur le comte, reprit Consuelo qu’un triste pressentiment envahissait rapidement ; c’est peut-être un grand chagrin pour moi qui se prépare, et… »

Elle s’arrêta tremblante ; car elle était sur le point de lui demander conseil et protection. Mais elle craignit de se lier trop envers lui, et, n’osant ni accueillir ni éviter celui qui s’introduisait auprès d’elle à la faveur d’un mensonge, elle sentit ses genoux plier, et s’appuya en pâlissant contre la rampe, à la dernière marche du perron.

« Craignez-vous quelque fâcheuse nouvelle de votre famille ? lui dit Albert, dont l’inquiétude commençait à s’éveiller.

— Je n’ai pas de famille, » répondit Consuelo en s’efforçant de reprendre sa marche.

Elle faillit dire qu’elle n’avait pas de frère ; une crainte vague l’en empêcha. Mais en traversant la salle à manger, elle entendit crier sur le parquet du salon les bottes du voyageur, qui s’y promenait de long en large avec impatience. Par un mouvement involontaire, elle se rapprocha du jeune comte, et lui pressa le bras en y enlaçant le sien, comme pour se réfugier dans son amour, à l’approche des souffrances qu’elle prévoyait.

Albert, frappé de ce mouvement, sentit s’éveiller en lui des appréhensions mortelles.