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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/193

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consuelo.

« Je suis bien touchée de la bonté de monsieur le comte, répondit Consuelo après un instant de réflexion ; mais mon frère, qui en sent tout le prix, n’aura pas le bonheur d’en profiter. Des affaires pressantes l’appellent à Prague, et dans ce moment il vient de prendre congé de moi…

— Cela est impossible ! vous vous êtes à peine vus un instant, dit le comte.

— Il a perdu plusieurs heures à m’attendre, reprit-elle, et maintenant ses moments sont comptés. Il sait bien, ajouta-t-elle en regardant son prétendu frère d’un air significatif, qu’il ne peut pas rester une minute de plus ici. »

Cette froide insistance rendit à Anzoleto toute la hardiesse de son caractère et tout l’aplomb de son rôle.

« Qu’il en arrive ce qu’il plaira au diable… je veux dire à Dieu ! dit-il en se reprenant ; mais je ne saurais quitter ma chère sœur aussi précipitamment que sa raison et sa prudence l’exigent. Je ne sais aucune affaire d’intérêt qui vaille un instant de bonheur ; et puisque monseigneur le comte me le permet si généreusement, j’accepte avec reconnaissance. Je reste ! Mes engagements avec Prague seront remplis un peu plus tard, voilà tout.

— C’est parler en jeune homme léger, repartit Consuelo offensée. Il y a des affaires où l’honneur parle plus haut que l’intérêt…

— C’est parler en frère, répliqua Anzoleto ; et toi tu parles toujours en reine, ma bonne petite sœur.

— C’est parler en bon jeune homme ! ajouta le vieux comte en tendant la main à Anzoleto. Je ne connais pas d’affaires qui ne puissent se remettre au lendemain. Il est vrai que l’on m’a toujours reproché mon indolence ; mais moi j’ai toujours reconnu qu’on se trouvait plus mal