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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/198

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consuelo.

— Ainsi donc, vous êtes engagée ? dit le comte avec un singulier mélange de chagrin et de satisfaction.

— Non, monseigneur, je suis parfaitement libre, répondit Consuelo. Celui que j’aimais a indignement trahi sa foi, et je l’ai quitté pour toujours.

— Ainsi, vous l’avez aimé ? dit le comte après une pause.

— De toute mon âme, il est vrai.

— Et… peut-être que vous l’aimez encore ?…

— Non, monseigneur, cela est impossible.

— Vous n’auriez aucun plaisir à le revoir ?

— Sa vue ferait mon supplice.

— Et vous n’avez jamais permis… il n’aurait pas osé… Mais vous direz que je deviens offensant et que j’en veux trop savoir !

— Je vous comprends, monseigneur ; et, puisque je suis appelée à me confesser, comme je ne veux point surprendre votre estime, je vous mettrai à même de savoir, à un iota près, si je la mérite ou non. Il s’est permis bien des choses, mais il n’a osé que ce que j’ai permis. Ainsi, nous avons souvent bu dans la même tasse, et reposé sur le même banc. Il a dormi dans ma chambre pendant que je disais mon chapelet. Il m’a veillée pendant que j’étais malade. Je ne me gardais pas avec crainte. Nous étions toujours seuls, nous nous aimions, nous devions nous marier, nous nous respections l’un l’autre. J’avais juré à ma mère d’être ce qu’on appelle une fille sage. J’ai tenu parole, si c’est être sage que de croire à un homme qui doit nous tromper, et de donner sa confiance, son affection, son estime, à qui ne mérite rien de tout cela. C’est lorsqu’il a voulu cesser d’être mon frère, sans devenir mon mari, que j’ai commencé à me défendre. C’est lorsqu’il m’a été infidèle que je me suis applaudie de m’être bien défendue. Il ne