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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/199

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consuelo.

tient qu’à cet homme sans honneur de se vanter du contraire ; cela n’est pas d’une grande importance pour une pauvre fille comme moi. Pourvu que je chante juste, on ne m’en demandera pas davantage. Pourvu que je puisse baiser sans remords le crucifix sur lequel j’ai juré à ma mère d’être chaste, je ne me tourmenterai pas beaucoup de ce qu’on pensera de moi. Je n’ai pas de famille à faire rougir, pas de frères, pas de cousins à faire battre pour moi…

— Pas de frères ? Vous en avez un ! »

Consuelo se sentit prête à confier au vieux comte toute la vérité sous le sceau du secret. Mais elle craignit d’être lâche en cherchant hors d’elle-même un refuge contre celui qui l’avait menacée lâchement. Elle pensa qu’elle seule devait avoir la fermeté de se défendre et de se délivrer d’Anzoleto. Et d’ailleurs la générosité de son cœur recula devant l’idée de faire chasser par son hôte l’homme qu’elle avait si religieusement aimé. Quelque politesse que le comte Christian dût savoir mettre à éconduire Anzoleto, quelque coupable que fut ce dernier, elle ne se sentit pas le courage de le soumettre à une si grande humiliation. Elle répondit donc à la question du vieillard, qu’elle regardait son frère comme un écervelé, et n’avait pas l’habitude de le traiter autrement que comme un enfant.

« Mais ce n’est pas un mauvais sujet ? dit le comte.

— C’est peut-être un mauvais sujet, répondit-elle. J’ai avec lui le moins de rapports possible ; nos caractères et notre manière de voir sont très-différents. Votre Seigneurie a pu remarquer que je n’étais pas fort pressée de le retenir ici.

— Il en sera ce que vous voudrez, mon enfant ; je vous crois pleine de jugement. Maintenant que vous m’avez tout confié avec un si noble abandon…