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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/202

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consuelo.

D’ailleurs, la franchise de ses réponses l’avait frappé comme auraient pu faire des révélations inattendues ; la dernière surtout avait été un coup de foudre. Et maintenant il priait, il demandait à Dieu de l’éclairer ou de le soutenir dans l’accomplissement d’une grande résolution. « Va-t-il me prier de partir avec mon frère ? va-t-il m’offrir de l’argent ? se demandait-elle. Ah ! que Dieu me préserve de cet outrage ! Mais non ! cet homme est trop délicat, trop bon pour songer à m’humilier. Que voulait-il donc me dire d’abord, et que va-t-il me dire maintenant ? Sans doute ma longue promenade avec son fils lui donne des craintes, et il va me gronder. Je l’ai mérité peut-être, et j’accepterai le sermon, ne pouvant répondre avec sincérité aux questions qui me seraient faites sur le compte d’Albert. Voici une rude journée ; et si j’en passe beaucoup de pareilles, je ne pourrai plus disputer la palme du chant aux jalouses maîtresses d’Anzoleto. Je me sens la poitrine en feu et la gorge desséchée. »

Le comte Christian revint bientôt vers elle. Il était calme, et sa pâle figure portait le témoignage d’une victoire remportée en vue d’une noble intention.

« Ma fille, dit-il à Consuelo en se rasseyant auprès d’elle, après l’avoir forcée de garder le fauteuil somptueux qu’elle voulait lui céder, et sur lequel elle trônait malgré elle d’un air craintif : il est temps que je réponde par ma franchise à celle que vous m’avez témoignée. Consuelo, mon fils vous aime. »

Consuelo rougit et pâlit tour à tour. Elle essaya de répondre. Christian l’interrompit.

« Ce n’est pas une question que je vous fais, dit-il ; je n’en aurais pas le droit, et vous n’auriez peut-être pas celui d’y répondre ; car je sais que vous n’avez encouragé en aucune façon les espérances d’Albert. Il m’a