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consuelo.

tout dit ; et je crois en lui, parce qu’il n’a jamais menti, ni moi non plus.

— Ni moi non plus, dit Consuelo en levant les yeux au ciel avec l’expression de la plus candide fierté. Le comte Albert a dû vous dire, monseigneur…

— Que vous aviez repoussé toute idée d’union avec lui.

— Je le devais. Je savais les usages et les idées du monde ; je savais que je n’étais pas faite pour être la femme du comte Albert, par la seule raison que je ne m’estime l’inférieure de personne devant Dieu, et que je ne voudrais recevoir de grâce et de faveur de qui que ce soit devant les hommes.

— Je connais votre juste orgueil, Consuelo. Je le trouverais exagéré, si Albert n’eût dépendu que de lui-même ; mais dans la croyance où vous étiez que je n’approuverais jamais une telle union, vous avez dû répondre comme vous l’avez fait.

— Maintenant, monseigneur, dit Consuelo en se levant, je comprends le reste, et je vous supplie de m’épargner l’humiliation que je redoutais. Je vais quitter votre maison, comme je l’aurais déjà quittée si j’avais cru pouvoir le faire sans compromettre la raison et la vie du comte Albert, sur lesquelles j’ai eu plus d’influence que je ne l’aurais souhaité. Puisque vous savez ce qu’il ne m’était pas permis de vous révéler, vous pourrez veiller sur lui, empêcher les conséquences de cette séparation, et reprendre un soin qui vous appartient plus qu’à moi. Si je me le suis arrogé indiscrètement, c’est une faute que Dieu me pardonnera ; car il sait quelle pureté de sentiments m’a guidée en tout ceci.

— Je le sais, reprit le comte, et Dieu a parlé à ma conscience comme Albert avait parlé à mes entrailles. Restez donc assise, Consuelo, et ne vous hâtez pas de