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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/22

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consuelo.

n’ont pas les jeunes filles élevées dans les salons, mais que les enfants du peuple acquièrent dans leurs jeux, et dont ils conservent toute leur vie la hardiesse confiante. Le seul danger véritable était de glisser sur les marches humides. Consuelo avait trouvé dans un coin, en furetant, un vieux chapeau à larges bords que le baron Frédérick avait longtemps porté à la chasse. Elle l’avait coupé, et s’en était fait des semelles qu’elle avait attachées à ses souliers avec des cordons en manière de cothurnes. Elle avait remarqué une chaussure analogue aux pieds de Zdenko dans sa dernière expédition nocturne. Avec ces semelles de feutre, Zdenko marchait sans faire aucun bruit dans les corridors du château, et c’est pour cela qu’il lui avait semblé glisser comme une ombre plutôt que marcher comme un homme. C’était aussi jadis la coutume des hussites de chausser ainsi leurs espions, et même leurs chevaux, lorsqu’ils effectuaient une surprise chez l’ennemi.

À la cinquante-deuxième marche, Consuelo trouva une dalle plus large et une arcade basse en ogive. Elle n’hésita point à y entrer, et à s’avancer à demi courbée dans une galerie souterraine étroite et basse, toute dégouttante de l’eau qui venait d’y couler, travaillée et voûtée de main d’homme avec une grande solidité.

Elle y marchait sans obstacle et sans terreur depuis environ cinq minutes, lorsqu’il lui sembla entendre un léger bruit derrière elle. C’était peut-être Zdenko qui redescendait et qui reprenait le chemin du Schreckenstein. Mais elle avait de l’avance sur lui, et doubla le pas pour n’être pas atteinte par ce dangereux compagnon de voyage. Il ne pouvait pas se douter qu’elle l’eût devancé. Il n’avait pas de raison pour courir après elle ; et pendant qu’il s’amuserait à chanter et à marmotter tout seul ses complaintes et ses interminables histoires, elle