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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/23

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consuelo.

aurait le temps d’arriver et de se mettre sous la protection d’Albert.

Mais le bruit qu’elle avait entendu augmenta, et devint semblable à celui de l’eau qui gronde, lutte, et s’élance. Qu’était-il donc arrivé ? Zdenko s’était-il aperçu de son dessein ? Avait-il lâché l’écluse pour l’arrêter et l’engloutir ? Mais il n’avait pu le faire avant d’avoir passé lui-même, et il était derrière elle. Cette réflexion n’était pas très-rassurante. Zdenko était capable de se dévouer à la mort, de se noyer avec elle plutôt que de trahir la retraite d’Albert. Cependant Consuelo ne voyait point de pelle, point d’écluse, pas une pierre sur son chemin qui put retenir l’eau, et la faire ensuite écouler. Cette eau ne pouvait être qu’en avant de son chemin, et le bruit venait de derrière elle. Cependant il grandissait, il montait, il approchait avec le rugissement du tonnerre.

Tout à coup Consuelo, frappée d’une horrible découverte, s’aperçut que la galerie, au lieu de monter, descendait d’abord en pente douce, et puis de plus en plus rapidement. L’infortunée s’était trompée de chemin. Dans son empressement et dans la vapeur épaisse qui s’exhalait du fond de la citerne, elle n’avait pas vu une seconde ogive, beaucoup plus large, et située vis-à-vis de celle qu’elle avait prise. Elle s’était enfoncée dans le canal qui servait de déversoir à l’eau du puits, au lieu de remonter celui qui conduisait au réservoir ou à la source. Zdenko, s’en allant par une route opposée, venait de lever tranquillement la pelle ; l’eau tombait en cascade au fond de la citerne, et déjà la citerne était remplie jusqu’à la hauteur du déversoir ; déjà elle se précipitait dans la galerie où Consuelo fuyait éperdue et glacée d’épouvante. Bientôt cette galerie, dont la dimension était ménagée de manière à ce que la citerne, perdant moins d’eau qu’elle n’en recevait de l’autre