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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/235

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consuelo.

est ouverte, si nos baisers sont muets, nous ne risquons rien. Rappelle-toi que nous avons passé des nuits ensemble sans éveiller un seul des nombreux voisins de la Corte-Minelli. Quant à moi, s’il n’y a pas d’autre obstacle que la jalousie du comte, et pas d’autre danger que la mort… »

Consuelo vit en cet instant le regard du comte Albert, ordinairement si vague, redevenir clair et profond en s’attachant sur Anzoleto. Il ne pouvait entendre ; mais il semblait qu’il entendît avec les yeux. Elle retira sa main de celle d’Anzoleto, en lui disant d’une voix étouffée :

« Ah ! si tu m’aimes, ne brave pas cet homme terrible !

— Est-ce pour toi que tu crains ? dit Anzoleto rapidement.

— Non, mais pour tout ce qui m’approche et me menace.

— Et pour tout ce qui t’adore, sans doute ? Eh bien, soit. Mourir à tes yeux, mourir à tes pieds ; oh ! je ne demande que cela. J’y serai à minuit ; résiste, et tu ne feras que hâter ma perte.

— Vous partez demain, et vous ne prenez congé de personne ? dit Consuelo en voyant qu’il saluait le comte et la chanoinesse sans leur parler de son départ.

— Non, dit-il ; ils me retiendraient, et, malgré moi, voyant tout conspirer pour prolonger mon agonie, je céderais. Tu leur feras mes excuses et mes adieux. Les ordres sont donnés à mon guide pour que mes chevaux soient prêts à quatre heures du matin. »

Cette dernière assertion était plus que vraie. Les regards singuliers d’Albert depuis quelques heures n’avaient pas échappé à Anzoleto. Il était résolu à tout oser ; mais il se tenait prêt pour la fuite en cas d’événement. Ses chevaux étaient déjà sellés dans l’écurie, et son guide avait reçu l’ordre de ne pas se coucher.