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consuelo.

nant aussitôt son ton hypocrite : Tu es impitoyable, Consuelo. Tu veux que je sois perdu, qu’il ne reste pas en moi un bon sentiment, un bon souvenir. Que crains-tu ? Ne t’ai-je pas prouvé mille fois mon respect et la pureté de mon amour ? Quand on aime éperdument, n’est-on pas esclave, et ne sais-tu pas qu’un mot de toi me dompte et m’enchaîne ? Au nom du ciel, si tu n’es pas la maîtresse de cet homme que tu vas épouser, s’il n’est pas le maître de ton appartement et le compagnon inévitable de toutes tes nuits…

— Il ne l’est pas, il ne le fut jamais, » dit Consuelo avec l’accent de la fière innocence.

Elle eût mieux fait de réprimer ce mouvement d’un orgueil bien fondé, mais trop sincère en cette occasion. Anzoleto n’était pas poltron ; mais il aimait la vie, et s’il eût cru trouver dans la chambre de Consuelo un gardien déterminé, il fût resté fort paisiblement dans la sienne. L’accent de vérité qui accompagna la réponse de la jeune fille l’enhardit tout à fait.

« En ce cas, dit-il, je ne compromets pas ton avenir. Je serai si prudent, si adroit, je marcherai si légèrement, je te parlerai si bas, que ta réputation ne sera pas ternie. D’ailleurs, ne suis-je pas ton frère ? Devant partir à l’aube du jour, qu’y aurait-il d’extraordinaire à ce que j’aille te dire adieu ?

— Non ! non ! ne venez pas ! dit Consuelo épouvantée. L’appartement du comte Albert n’est pas éloigné ; peut-être a-t-il tout deviné… Anzoleto, si vous vous exposez… je ne réponds pas de votre vie. Je vous parle sérieusement, et mon sang se glace dans mes veines ! »

Anzoleto sentit en effet sa main, qu’il avait prise dans la sienne, devenir plus froide que le marbre.

« Si tu discutes, si tu parlementes à ta porte, tu exposes mes jours, dit-il en souriant ; mais si ta porte