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consuelo.

bouche, pût se remplir, allait se remplir à son tour. Dans un instant, dans un clin d’œil, le déversoir serait inondé, et la pente continuait à s’abaisser vers des abîmes où l’eau tendait à se précipiter. La voûte, encore suintante, annonçait assez que l’eau la remplissait tout entière, qu’il n’y avait pas de salut possible, et que la vitesse de ses pas ne sauverait pas la malheureuse fugitive de l’impétuosité du torrent. L’air était déjà intercepté par la masse d’eau qui arrivait à grand bruit. Une chaleur étouffante arrêtait la respiration, et suspendait la vie autant que la peur et le désespoir. Déjà le rugissement de l’onde déchaînée grondait aux oreilles de Consuelo ; déjà une écume rousse, sinistre avant-coureur du flot, ruisselait sur le pavé, et devançait la course incertaine et ralentie de la victime consternée.

XLI.

« Ô ma mère, s’écria-t-elle, ouvre-moi tes bras ! Ô Anzoleto, je t’ai aimé ! Ô mon Dieu, dédommage-moi dans une vie meilleure ! »

À peine avait-elle jeté vers le ciel ce cri d’agonie, qu’elle trébuche et se frappe à un obstacle inattendu. Ô surprise ! ô bonté divine ! c’est un escalier étroit et raide, qui monte à l’une des parois du souterrain, et qu’elle gravit avec les ailes de la peur et de l’espérance. La voûte s’élève sur son front ; le torrent se précipite, heurte l’escalier que Consuelo a eu le temps de franchir, en dévore les dix premières marches, mouille jusqu’à la cheville les pieds agiles qui le fuient, et, parvenu enfin au sommet de la voûte surbaissée que Consuelo a laissée derrière elle, s’engouffre dans les ténèbres, et tombe avec un fracas épouvantable dans un réservoir profond que l’héroïque enfant domine d’une petite plate-forme