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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/246

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consuelo.

quant à ses préjugés, il fallait qu’ils ne fussent pas fort enracinés pour lui permettre de vouloir épouser une comédienne. Anzoleto commença donc à craindre sérieusement d’avoir maille à partir avec lui, avant d’en venir à ses fins, et de se faire quelque mauvaise affaire en pure perte. Ce dénouement lui paraissait plus honteux que funeste. Il avait appris à manier l’épée, et se flattait de tenir tête à quelque homme de qualité que ce fût. Néanmoins il ne se sentit pas tranquille, et ne dormit pas.

Vers cinq heures du matin, il crut entendre des pas dans le corridor, et peu après sa porte s’ouvrit sans bruit et sans difficulté. Il ne faisait pas encore bien jour ; et en voyant un homme entrer dans sa chambre avec aussi peu de cérémonie, Anzoleto crut que le moment décisif était venu. Il sauta sur son stylet en bondissant comme un taureau. Mais il reconnut aussitôt, à la lueur du crépuscule, son guide qui lui faisait signe de parler bas et de ne pas faire de bruit.

« Que veux-tu dire avec tes simagrées, et que me veux-tu, imbécile ? dit Anzoleto avec humeur. Comment as-tu fait pour entrer ici ?

— Eh ! par où, si ce n’est pas la porte, mon bon seigneur ?

— La porte était fermée à clef.

— Mais vous aviez laissé la clef en dehors.

— Impossible ! la voilà sur ma table.

— Belle merveille ! il y en a une autre.

— Et qui donc m’a joué le tour de m’enfermer ainsi ? Il n’y avait qu’une clef hier soir : serait-ce toi, en venant chercher ma valise ?

— Je jure que ce n’est pas moi, et que je n’ai pas vu de clef.

— Ce sera donc le diable ! Mais que me veux-tu avec ton air affairé et mystérieux ? Je ne t’ai pas fait appeler.