Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
consuelo.

— Vous ne me laissez pas le temps de parler ! Vous me voyez, d’ailleurs, et vous savez bien sans doute ce que je vous veux. La signora est arrivée sans encombre à Tusta, et, suivant ses ordres, me voici avec mes chevaux pour vous y conduire. »

Il fallut bien quelques instants pour qu’Anzoleto comprît de quoi il s’agissait ; mais il s’accommoda assez vite de la vérité pour empêcher que son guide, dont les craintes superstitieuses s’effaçaient d’ailleurs avec les ombres de la nuit, ne retombât dans ses perplexités à l’égard d’une malice du diable. Le drôle avait commencé par examiner et par faire sonner sur les pavés de l’écurie l’argent de Consuelo, et il se tenait pour content de son marché avec l’enfer. Anzoleto comprit à demi-mot, et pensa que la fugitive avait été de son côté surveillée de manière à ne pouvoir l’avertir de sa résolution ; que, menacée, poussée à bout peut-être par son jaloux, elle avait saisi un moment propice pour déjouer tous ses efforts, s’évader et prendre la clef des champs.

« Quoi qu’il en soit, dit-il, il n’y a ni à douter ni à balancer. Les avis qu’elle me fait donner par cet homme, qui l’a conduite sur la route de Prague, sont clairs et précis. Victoire ! si je puis toutefois sortir d’ici pour la rejoindre sans être forcé de croiser l’épée ! »

Il s’arma jusqu’aux dents : et, tandis qu’il s’apprêtait à la hâte, il envoya son guide en éclaireur pour voir si les chemins étaient libres. Sur sa réponse que tout le monde paraissait encore livré au sommeil, excepté le gardien du pont qui venait de lui ouvrir, Anzoleto descendit sans bruit, remonta à cheval, et ne rencontra dans les cours qu’un palefrenier, qu’il appela pour lui donner quelque argent, afin de ne pas laisser à son départ l’apparence d’une fuite.

« Par saint Wenceslas ! dit ce serviteur au guide,