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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/250

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consuelo.

le délivrer. À l’égard de cette première possibilité dont l’idée le faisait frémir, Albert eut l’excessive délicatesse de ne pas vouloir faire d’imprudente découverte.

« Si elle l’aime à ce point, pensa-t-il, je n’ai plus à lutter ; que mon sort s’accomplisse ! Je le saurai assez tôt, car elle est sincère ; et demain elle refusera ouvertement les offres que je lui ai faites aujourd’hui. Si elle est seulement persécutée et menacée par cet homme dangereux, la voilà du moins pour une nuit à l’abri de ses poursuites. Maintenant, quelque bruit furtif que j’entende autour de moi, je ne bougerai pas, et je ne me rendrai point odieux ; je n’infligerai pas à cette infortunée le supplice de la honte, en me montrant devant elle sans être appelé. Non ! je ne jouerai point le rôle d’un espion lâche, d’un jaloux soupçonneux, lorsque jusqu’ici ses refus, ses irrésolutions, ne m’ont donné aucun droit sur elle. Je ne sais qu’une chose, rassurante pour mon honneur, effrayante pour mon amour ; c’est que je ne serai pas trompé. Âme de celle que j’aime, toi qui résides à la fois dans le sein de la plus parfaite des femmes et dans les entrailles du Dieu universel, si, à travers les mystères et les ombres de la pensée humaine, tu peux lire en moi à cette heure, ton sentiment intérieur doit te dire que j’aime trop pour ne pas croire à ta parole ! »

Le courageux Albert tint religieusement l’engagement qu’il venait de prendre avec lui-même ; et bien qu’il crût entendre les pas de Consuelo à l’étage inférieur au moment de sa fuite, et quelque autre bruit moins explicable du côté de la herse, il souffrit, pria, et contint de ses mains jointes son cœur bondissant dans sa poitrine.

Lorsque le jour parut, il entendit marcher et ouvrir les portes du côté d’Anzoleto.

« L’infâme, se dit-il, la quitte sans pudeur et sans pré-