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consuelo.

d’un sable assez doux aux pieds. Le galop du cheval, auquel elle n’était point habituée, l’avait un peu brisée ; mais on sait que la marche, en pareil cas, est meilleure que le repos, et que, pour les tempéraments énergiques, une fatigue délasse d’une autre.

Cependant, à mesure que les étoiles pâlissaient, et que le crépuscule achevait de s’éclaircir, elle commençait à s’effrayer de son isolement. Elle s’était sentie bien tranquille dans les ténèbres. Toujours aux aguets, elle s’était crue sûre, en cas de poursuite, de pouvoir se cacher avant d’être aperçue ; mais au jour, forcée de traverser de vastes espaces découverts, elle n’osait plus suivre la route battue ; d’autant plus qu’elle vit bientôt des groupes se montrer au loin, et se répandre comme des points noirs sur la raie blanche que dessinait le chemin au milieu des terres encore assombries. Si peu loin de Riesenburg, elle pouvait être reconnue par le premier passant ; et elle prit le parti de se jeter dans un sentier qui lui sembla devoir abréger son chemin, en allant couper à angle droit le détour que la route faisait autour d’une colline. Elle marcha encore ainsi près d’une heure sans rencontrer personne, et entra dans un endroit boisé, où elle put espérer de se dérober facilement aux regards.

« Si je pouvais ainsi gagner, pensait-elle, une avance de huit à dix lieues sans être découverte, je marcherais ensuite tranquillement sur la grande route ; et, à la première occasion favorable, je louerais une voiture et des chevaux. »

Cette pensée lui fit porter la main à sa poche pour y prendre sa bourse, Et calculer ce qu’après son généreux paiement au guide qui l’avait fait sortir de Riesenburg, il lui restait d’argent pour entreprendre ce long et difficile voyage. Elle ne s’était pas encore donné le temps