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consuelo.

LXIII.

Anzoleto poursuivait sa route vers Prague en pure perte ; car aussitôt après avoir donné à son guide les instructions trompeuses qu’elle jugeait nécessaires au succès de son entreprise, Consuelo avait pris, sur la gauche, un chemin qu’elle connaissait, pour avoir accompagné deux fois en voiture la baronne Amélie à un château voisin de la petite ville de Tauss. Ce château était le but le plus éloigné des rares courses qu’elle avait eu occasion de faire durant son séjour à Riesenburg. Aussi l’aspect de ces parages et la direction des routes qui les traversaient, s’étaient-ils présentés naturellement à sa mémoire, lorsqu’elle avait conçu et réalisé à la hâte le téméraire projet de sa fuite. Elle se rappelait qu’en la promenant sur la terrasse de ce château, la dame qui l’habitait lui avait dit, tout en lui faisant admirer la vaste étendue des terres qu’on découvrait au loin : Ce beau chemin planté que vous voyez là-bas, et qui se perd à l’horizon, va rejoindre la route du Midi, et c’est par là que nous nous rendons à Vienne. Consuelo, avec cette indication et ce souvenir précis, était donc certaine de ne pas s’égarer, et de regagner à une certaine distance la route par laquelle elle était venue en Bohême. Elle atteignit le château de Biela, longea les cours du parc, retrouva sans peine, malgré l’obscurité, le chemin planté ; et avant le jour elle avait réussi à mettre entre elle et le point dont elle voulait s’éloigner une distance de trois lieues environ à vol d’oiseau. Jeune, forte, et habituée dès l’enfance à de longues marches, soutenue d’ailleurs par une volonté audacieuse, elle vit poindre le jour sans éprouver beaucoup de fatigue. Le ciel était serein, les chemins secs, et couverts