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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/272

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consuelo.

J’ai joué de l’orgue tous les dimanches à la chapelle du comte de Haugwitz, après avoir fait le matin ma partie de premier violon à l’église des Pères de la Miséricorde. En outre, j’ai trouvé deux protecteurs. L’un est un abbé qui fait beaucoup de vers italiens, très-beaux à ce qu’on assure, et qui est fort bien vu de Sa Majesté l’impératrice-reine. On l’appelle M. de Métastasio ; et comme il demeure dans la même maison que Keller et moi, je donne des leçons à une jeune personne qu’on dit être sa nièce. Mon autre protecteur est monseigneur l’ambassadeur de Venise.

— Il signor Corner ? demanda Consuelo vivement.

— Ah ! vous le connaissez ? reprit Haydn ; c’est M. l’abbé de Métastasio qui m’a introduit dans cette maison. Mes petits talents y ont plu, et son excellence m’a promis de me faire avoir des leçons de maître Porpora, qui est en ce moment aux bains de Manensdorf avec madame Wilhelmine, la femme ou la maîtresse de son excellence. Cette promesse m’avait comblé de joie ; devenir l’élève d’un aussi grand professeur, du premier maître de chant de l’univers ! Apprendre la composition, les principes purs et corrects de l’art italien ! Je me regardais comme sauvé, je bénissais mon étoile, je me croyais déjà un grand maître moi-même. Mais, hélas ! malgré les bonnes intentions de son excellence, sa promesse n’a pas été aussi facile à réaliser que je m’en flattais ; et si je ne trouve une recommandation plus puissante auprès du Porpora, je crains bien de ne jamais approcher seulement de sa personne. On dit que cet illustre maître est d’un caractère bizarre ; et qu’autant il se montre attentif, généreux et dévoué à certains élèves, autant il est capricieux et cruel pour certains autres. Il paraît que maître Reuter n’est rien au prix du Porpora, et je tremble à la seule idée de le voir. Cependant, quoiqu’il ait