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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/276

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consuelo.

nières paroles de Joseph à propos de la cour l’avaient frappée. Mais revenant bientôt à lui :

« Mon enfant, lui dit-elle, n’allez point à Riesenburg, vous n’y trouveriez pas la Porporina. Elle n’est point mariée avec le comte de Rudolstadt, et rien n’est moins assuré que ce mariage-là. Il en a été question, il est vrai, et je crois que les fiancés étaient dignes l’un de l’autre ; mais la Porporina, quoiqu’elle eût pour le comte Albert une amitié solide, une estime profonde et un respect sans bornes, n’a pas crû devoir se décider légèrement à une chose aussi sérieuse. Elle a pesé, d’une part, le tort qu’elle ferait à cette illustre famille, en lui faisant perdre les bonnes grâces et peut-être la protection de l’impératrice, en même temps que l’estime des autres seigneurs et la considération de tout le pays ; de l’autre, le mal qu’elle se ferait à elle-même, en renonçant à exercer l’art divin qu’elle avait étudié avec passion et embrassé avec courage. Elle s’est dit que le sacrifice était grand de part et d’autre, et qu’avant de s’y jeter tête baissée, elle devait consulter le Porpora, et donner au jeune comte le temps de savoir si sa passion résisterait à l’absence ; de sorte qu’elle est partie pour Vienne à l’improviste, à pied, sans guide et presque sans argent, mais avec l’espérance de rendre le repos et la raison à celui qui l’aime, et n’emportant, de toutes les richesses qui lui étaient offertes, que le témoignage de sa conscience et la fierté de sa condition d’artiste.

— Oh ! c’est une véritable artiste, en effet ! c’est une forte tête et une âme noble, si elle a agi ainsi ! s’écria Joseph en fixant ses yeux brillants sur Consuelo ; et si je ne me trompe pas, c’est à elle que je parle, c’est devant elle que je me prosterne.

— C’est elle qui vous tend la main et qui vous offre son amitié, ses conseils et son appui auprès du Porpora ;