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consuelo.

car nous allons faire route ensemble, à ce que je vois ; et si Dieu nous protège, comme il nous a protégés jusqu’ici l’un et l’autre, comme il protège tous ceux qui ne se reposent qu’en lui, nous serons bientôt à Vienne, et nous prendrons les leçons du même maître.

— Dieu soit loué ! s’écria Haydn en pleurant de joie, et en levant les bras au ciel avec enthousiasme ; je devinais bien, en vous regardant dormir, qu’il y avait en vous quelque chose de surnaturel, et que ma vie, mon avenir, étaient entre vos mains. »

LXVI.

Quand les deux jeunes gens eurent fait une plus ample connaissance, en revenant de part et d’autre sur les détails de leur situation dans un entretien amical, ils songèrent aux précautions et aux arrangements à prendre pour retourner à Vienne. La première chose qu’ils firent fut de tirer leurs bourses et de compter leur argent. Consuelo était encore la plus riche des deux ; mais leurs fonds réunis pouvaient fournir de quoi faire agréablement la route à pied, sans souffrir de la faim et sans coucher à la belle étoile. Il ne fallait pas songer à autre chose, et Consuelo en avait déjà pris son parti. Cependant, malgré la gaieté philosophique qu’elle montrait à cet égard, Joseph était soucieux et pensif.

« Qu’avez-vous ? lui dit-elle ; vous craignez peut-être l’embarras de ma compagnie. Je gage pourtant que je marche mieux que vous.

— Vous devez tout faire mieux que moi, répondit-il ; ce n’est pas là ce qui m’inquiète. Mais je m’attriste et je m’épouvante quand je songe que vous êtes jeune et belle, et que tous les regards vont s’attacher sur vous avec convoitise, tandis que je suis si petit et si chétif que, bien