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consuelo.

pays, la même sécurité quant aux dangers de la route, la même gaieté sympathique, qui animaient Consuelo dans cet instant, s’emparèrent de lui ; et ils se mirent en marche à travers bois et prairies, aussi légers que deux oiseaux de passage.

Cependant, après quelques pas, il oublia qu’elle était garçon, en lui voyant porter sur l’épaule, au bout d’un bâton, son petit paquet de hardes, grossi des habillements de femme dont elle venait de se dépouiller. Une contestation s’éleva entre eux à ce sujet. Consuelo prétendait qu’avec son sac, son violon, et son cahier du gradus ad Parnassum, Joseph était bien assez chargé. Joseph, de son côté, jurait qu’il mettrait tout le paquet de Consuelo dans son sac, et qu’elle ne porterait rien. Il fallut qu’elle cédât ; mais, pour la vraisemblance de son personnage, et afin qu’il y eût apparence d’égalité entre eux, il consentit à lui laisser porter le violon en bandoulière.

« Savez-vous, lui disait Consuelo pour le décider à cette concession, qu’il faut que j’aie l’air de votre serviteur, ou tout au moins de votre guide ? car je suis un paysan, il n’y a pas à dire ; et vous, vous êtes un citadin.

— Quel citadin ! répondait Haydn en riant. Je n’ai pas mal la tournure du garçon perruquier de Keller ! »

Et en disant ceci, le bon jeune homme se sentait un peu mortifié de ne pouvoir se montrer à Consuelo sous un accoutrement plus coquet que ses habits fanés par le soleil et un peu délabrés par le voyage.

« Non ! vous avez l’air, dit Consuelo pour lui ôter ce petit chagrin, d’un fils de famille ruiné reprenant le chemin de la maison paternelle avec son garçon jardinier, compagnon de ses escapades.

— Je crois bien que nous ferons mieux de jouer des