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consuelo.

exacteurs israélites, le pauvre agriculteur ne savait lesquels haïr et redouter le plus.

« Voyez, Joseph, dit Consuelo à son compagnon ; ne vous disais-je pas bien que nous étions seuls riches en ce monde, nous qui ne payons pas d’impôt sur nos voix, et qui ne travaillons que quand il nous plaît ? »

L’heure du coucher étant venue, Consuelo éprouvait tant de fatigue qu’elle s’endormit sur un banc à la porte de la maison. Joseph profita de ce moment pour demander des lits à la fermière.

« Des lits, mon enfant ? répondit-elle en souriant ; si nous pouvions vous en donner un, ce serait beaucoup, et vous sauriez bien vous en contenter pour deux. »

Cette réponse fit monter le sang au visage du pauvre Joseph. Il regarda Consuelo ; et, voyant qu’elle n’entendait rien de ce dialogue, il surmonta son émotion.

« Mon camarade est très-fatigué, dit-il, et si vous pouvez lui céder un petit lit, nous le paierons ce que vous voudrez. Pour moi, un coin dans la grange ou dans l’étable me suffira.

— Eh bien, si cet enfant est malade, par humanité nous lui donnerons un lit dans la chambre commune. Nos trois filles coucheront ensemble. Mais dites à votre camarade de se tenir tranquille, au moins, et de se comporter décemment ; car mon mari et mon gendre, qui dorment dans la même pièce, le mettraient à la raison.

— Je vous réponds de la douceur et de l’honnêteté de mon camarade ; reste à savoir s’il ne préférera pas encore dormir dans le foin que dans une chambre où vous êtes tant de monde. »

Il fallut bien que le bon Joseph réveillât le signor Bertoni pour lui proposer cet arrangement. Consuelo n’en fut pas effarouchée comme il s’y attendait. Elle trouva que puisque les jeunes filles de la maison reposaient dans la